L’eau, la mélanine, l’hémoglobine

Nous parlerons de l’eau en dernier. En effet, en termes de relations avec la lumière, elle réserve plusieurs incroyables surprises… et, bien au-delà d’être le constituant presque exclusif des tissus vivants, elle sera désignée comme le partenaire de la lumière à l’origine de toute forme de vie.

Aujourd’hui, les astrophysiciens recherchent avec passion, là-bas, dans l’espace lointain, une planète habitable, ou peut-être habitée. Avec l’aide des biophysiciens et des chimistes, ils savent qu’une telle planète ne peut « vivre » qu’à une distance raisonnable de son étoile, pour lui permettre d’héberger de l’eau à l’état liquide et, c’est bien dans cette minuscule fenêtre de température, où l’eau se trouve entre glace et vapeur, que la vie, telle que nous l’observons, a pu se développer.

L’eau serait-elle ainsi le premier interlocuteur de la lumière ?

Si nous souhaitons commencer à comprendre la relation biologique que nous entretenons avec la lumière, posons-nous déjà une première question.

Comment la lumière pénètre-t-elle à travers la peau ?

Pour y répondre, nous devons revenir sur les deux chromophores cités plus haut, la mélanine et l’hémoglobine.

Examinons d’abord la mélanine. Elle est constituée d’un assemblage, dans des proportions très variées, d’une mélanine colorée en brun-roux (l’eumélanine) et d‘une mélanine colorée en rouge-jaune (la phéomélanine). Elles contribuent à composer les colorations très variées que peut prendre le bronzage et les nombreuses tâches qui l’accompagnent.

La mélanine est synthétisée à partir de cellules très spécialisées, les mélanocytes. Elles se situent dans la zone qui sépare le revêtement cutané, l’épiderme, des couches plus profondes constituant le derme.

Ces mélanocytes situés ainsi à la frontière entre derme et épiderme sont largement exposés au rayonnement lumineux.

En effet, l’épaisseur de l’épiderme n’est en moyenne que de 0,12 mm au niveau du visage et d’environ 0,6 mm sur le corps.

Découvrons également les mélanosomes. Ce sont des organites intracellulaires formés dans le cytosol des mélanocytes : ils apparaissent au microscope sous l’aspect de petits grains.

Ils sont le lieu de synthèse et de stockage de la mélanine, plus ou moins abondante en qualité et en quantité selon les types ethniques.

Ces mélanosomes sont excrétés par les mélanocytes et récupérés par les cellules empilées de l’épithélium, les kératinocytes, où ils gardent leur capacité de synthèse de la mélanine, extrêmement basse chez les peaux très claires, très élevée chez les peaux noires.

Le second chromophore important est l’hémoglobine, très présente dans la partie la plus superficielle du derme (le derme papillaire). Cette partie vallonnée du derme jouxte la couche de mélanocytes. Très riche en cellules, le derme papillaire est abondamment irrigué de capillaires sanguins. On sait à quel point la moindre effraction cutanée est suivie de saignements… C’est à l’intérieur des globules rouges qui parcourent incessamment ces vaisseaux que la lumière va rencontrer l’hémoglobine.

Il nous paraît très important d’avoir ainsi précisé ces aspects morphologiques de la peau.

En dehors des yeux et des muqueuses accessibles, la peau constitue en effet la cible et/ou l’interface naturelle du rayonnement électromagnétique dans sa « lumineuse » portion (de l’ultraviolet au proche l’infrarouge), mais également au-delà, dans le domaine de l’infrarouge moyen et lointain, puis dans celui des ondes millimétriques et enfin, dans celui des radiofréquences. Il est enfin possible d’amener la lumière plus directement dans nos tissus à travers les muqueuses (buccale, vaginale, digestive…), et même directement dans le compartiment vasculaire… en introduisant une sonde, équipée d’une diode LED ou laser, dans une veine de l’avant-bras.

En attendant, précisons que lorsque la lumière interagit, elle est en quelque sorte absorbée par des chromophores, ce qui nous ramène au concept d’excitation / désexcitation évoqué plus haut.

Si nous mesurons la capacité de ces chromophores à capturer l’énergie transportée par la lumière, depuis la fin de l’ultraviolet jusqu’au début de l’infrarouge, on découvre trois courbes. L’une concerne la mélanine, les autres l’hémoglobine sous ses deux formes (chargée d’oxygène ou de gaz carbonique).

Nous découvrons ainsi, que depuis les UVB jusqu’au proche infrarouge, mélanine et hémoglobines absorbent de manière significative, mais décroissante, l’énergie lumineuse. La ligne verticale discontinue correpond à la longueur d’onde des lasers à colorant pulsé (Pulsed Dye Laser – PDL) qui autour de 585nm va être absorbée par les deux formes de l’hémoglobine.

Plus loin, nous découvrirons comment ces phénomènes sont utilisés quotidiennement en dermatologie et en médecine esthétique dans la dépilation, le traitement des taches pigmentaires et celui des rougeurs.

Entre ces deux limites, l’eau laisse passer la lumière sans encombre, du bleu à la fin du rouge, mais également dans le proche infrarouge, de quoi interagir avec les cibles biologiques que nous avons passées en revue, au chapitre précédent, autour de la découverte des Photothérapies et de l’élaboration du concept de Photobiomodulation.

Ces cibles, rappelons-le, semblent être concentrées dans la dernière étape de la « chaîne respiratoire », ou chaîne de transport des électrons, c’est à dire le terme de la transformation des aliments en ressources dissipées en chaleur, en eau, en ATP…

Nous avons également souligné l’absorption très importante de l’énergie lumineuse par l’hémoglobine et la mélanine dans le visible.

Cela fait apparaître que le réglage d’un appareil de photothérapie doit prioritairement tenir compte du phototype de la personne traitée : la coloration naturelle de sa peau, combinée à celle de sa chevelure et de ses yeux. C’est à partir de ces trois éléments que l’on déterminera sa sensibilité au soleil. Ces critères et leur réalité biologique et médicale ont été observés par un médecin dermatologue de l’Université de Harvard, Thomas B. Fitzpatrick a en 1975, qui les a classifiés en « phototypes ».

Cette classification se décompose en six catégories :

Le type I concerne les personnes dont le teint de peau est très clair avec des taches de rousseur, dont la chevelure est blonde ou rousse, qui attrapent systématiquement des coups de soleil et qui ne peuvent pas bronzer.

Le type II rassemble les personnes à peau très claire, qui peuvent difficilement bronzer tout en développant des taches de rousseur, qui attrapent souvent des coups de soleil. Leur chevelure est blonde ou châtain et leurs yeux sont clairs.

Le type III rassemble les mêmes critères que ceux du type II mais avec une capacité à bronzer plus importante et peu de coups de soleil.

Le type IV concerne les peaux mates qui bronzent rapidement et n’ont que peu de coups de soleil. Les cheveux peuvent être châtains ou bruns et les yeux plus ou moins foncés.

Le type V est semblable au type IV mais avec très peu de coups de soleil et les cheveux ainsi que les yeux foncés.

Le type VI correspond aux peaux foncées et noires. Il n’y a jamais de coups de soleil. Les cheveux sont également noirs.

Dès lors, il sera de la plus grande importance de mettre en perspective le phototype, étroitement lié au rôle de la mélanine.

Voici donc le schéma regroupant les spectres d’absorption des trois chromophores. La double flèche, légendée, au-dessus du schéma, permet de situer la partie « visible » de la lumière, entre 400nm et 850nm.

UV Bleu Vert Jaune Rouge IR

Remarquons :

1. Les échelles logarithmiques. En absorption, on a une différence de 100 millions ! En longueur d’onde on va de 100 nm (UVC) à 10000 nm (Début de l’infrarouge lointain et longueur d’onde des lasers CO2…) !

2. Entre 350 nm et 650 nm l’eau n’absorbe pratiquement plus la lumière… Transparence presque totale !

Alors qu’elle l’absorbe énormément dans l’UV et dans l’Infrarouge. (voir le pic d’absorption à 3000 nm qui est la longueur d’onde des lasers Erbium)

3. L’absorption régulière par la mélanine

4. Les pics d’absorption de l’hémoglobine, très important à 400 nm. Puis à 530 dans le vert (Longueur d’onde des lasers KTP) et surtout à 580 nm/590 nm dans le jaune (Longueur d’onde des Lasers à colorant pulsé)